Pour éviter d’avoir à payer des frais de justice importants, les banques prennent parfois du temps avant d’enclencher une procédure de saisie immobilière. Elles préfèrent dans certains cas essayer de trouver une solution à l’amiable, mais cette attente peut leur être préjudiciable puisque les créanciers sont soumis à des délais de prescription.

Si la législation s’est montrée très favorable aux consommateurs par le passé, désormais il semble que les institutions bancaires bénéficient d’une jurisprudence plus avantageuse.

Prescription biennale appliquée aux crédits immobiliers

Suite à un arrêt de la cour de cassation du 28 novembre 2012, le délai de prescription en matière de crédit immobilier a été raccourci à deux ans. Pour motiver sa décision, la cour de cassation s’est appuyée sur l’article L137-2 du Code de la consommation : « L'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. » Les crédits immobiliers sont ainsi considérés comme des services financiers fournis par des professionnels.

Avec cette jurisprudence, le point de départ du délai de prescription était la date de la première échéance impayée constatée par la banque. Si un commandement de payer valant saisie n’avait pas été transmis au débiteur dans les deux ans, les échéances impayées et la totalité du capital restant dû étaient prescrits. Une aubaine pour les débiteurs qui avaient réussi à laisser trainer la procédure amiable, et un véritable casse-tête pour les services de recouvrement des banques.

Déchéance du terme : nouveau point de départ du délai de prescription

Avec la jurisprudence de novembre 2012, la banque pouvait avoir facilement dépassé le délai de prescription suite à une tentative de résolution du contentieux à l’amiable. Pour répondre aux reproches des institutions bancaires, la Cour de cassation opère un revirement le 11 février 2016 à travers 4 arrêts avec une solution plus complexe basée sur de nouveaux principes :

« À l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ces fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leur date d’échéances successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité. »

Désormais, suite à une échéance impayée, le délai de prescription ne court que pour cette échéance et non pour les suivantes, et le capital restant dû est prescrit à compter de deux ans après la déchéance du terme. La prescription biennale se divise donc comme la dette. Elle ne vaut que pour chaque échéance impayée.

Exemple :

Le 1er janvier 2017, la banque constate un défaut de paiement. Elle a jusqu’au 1er janvier 2019 pour récupérer le montant de cette échéance. En revanche, les échéances qui courent après le 1er janvier 2017 ne sont pas prescrites. Chaque fraction de la dette a donc une date d’exigibilité différente.

Les nouveaux arrêts font un lien entre la date de déchéance du terme et la prescription du capital restant dû.

Avec la récente législation, le délai de prescription du capital restant dû court à partir de la déchéance du terme. C’est donc le banquier qui est libre de choisir le point de départ du délai de prescription.

Dans ces conditions, les banques peuvent désormais maîtriser les délais de prescription en prononçant la déchéance du terme à tout moment et ainsi se laisser du temps pour recouvrer la dette.

Cette nouvelle jurisprudence est clairement plus favorable aux banques, cependant elles ne doivent toujours pas dépasser deux ans entre la déchéance du terme et la signification du commandement de payer.

Cette nouvelle législation a l’inconvénient de raccourcir les délais de négociation à l’amiable dans les contentieux bancaires. Il appartient au débiteur de trouver une voie de conciliation pour éviter que la banque n’engage trop rapidement la procédure de saisie immobilière.